Gestion du spectre  -  Du début aux années 1990

by Laval Desbiens

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La surveillance des émissions

Pour mesurer les ondes, il fallait d'abord les captées !

du Radio Times, 19 déc. 1924

 

Les premières stations radio de la Direction de la Radio ont été d'abord établies pour communiquer avec les navires dans la Baie d'Hudson dès 1927. La station principale était à Ottawa et les autres à Port Burwell, à Cape Hopes Advance, à l'île Nottingham dans l'anse de Chesterfield et à Churchill.

 

Ed Davey, un de nos pionniers en surveillance du spectre au Canada, et qui a été opérateur de radio et ensuite responsable de la station d'Ottawa, raconte les premiers pas de la surveillance dans une note de service.

 

<< -- la station de réception était dans un bout de la serre dans l'Arboretum -- à cause de l'humidité excessive et la condition générale de la serre, C. P. Edwards a obtenu la permission du Dr.Archibald, qui était alors le Directeur de la Ferme expérimentale canadienne, de s'installer dans une partie non-utilisée de la maison de ferme T. R. Booth, au coin de Baseline et du chemin Prescott. -- alors que la station VAA n'occupait qu'une seule pièce de la maison, il fut ensuite décidé d'y installer l'étalon de fréquence et les récepteurs de la Salle d'Essai car l'opérateur de VAA pouvait s'en occupé dans ses temps libres --...>>

 

<< Je me souviens du premier étalon de fréquence utilisé par la Direction de la Radio vers 1932. C'était une fourchette Sullivan opérant à 1,000 cycles ( hertz/secondes ) Le contrôle de température de la chambre abritant la fourchette dépendait de l'expansion d'un liquide très inflammable, du toluène. Il a été rapidement mis de coté après quelques débuts d'incendie, je ne crois pas qu'il ait beaucoup servi.

 

Le premier atelier radio était situé sur la rue Wellington, à peu près à l'emplacement de la bâtisse temporaire N'. 3. L'atelier était sous la responsabilité de J. W. Bain qui arrivait à la Direction venant d'un poste de professorat à l'Université Queen. Ses patrons étaient A. N. Fraser, l'ingénieur en chef et C. P. Edwards, le Directeur.

 

Il n'était pas prévu que cet appareil serve à faire les mesures à distance mais plutôt pour étalonner les onde-mètres utilisés dans les bureaux de district pour l'ajustement des émetteurs à terre et sur les navires, et dont plusieurs étaient encore du genre à A éclateur d'ondes @ .

 

Un peu après, peut-être un an plus tard, Monsieur Bain à réussi à obtenir des fonds pour acheter le premier ensemble de fréquence-étalon primaire de la compagnie General Radio, un système développé par J. K. Clapp, fils du vieux Clapp de la firme Clapp-Eastham dans les États de la Nouvelle-Angleterre. La pièce maîtresse de cet étalon était une barre Piezzo à 50 Kc, dont la température était gardée constante au moyen de deux contrôles thermo-statique au mercure. Plusieurs circuits de multi-vibrateurs électroniques avec des lampes à vide, ( des 201A je crois ) permettaient d'obtenir des sorties HF à intervalles de 10 Kc et de 1 Kc ainsi que le 50Kc.

 

L'alimentation des filaments des lampes se faisait au moyen de batteries A C@ qui étaient toujours à plat, et c'était très critique, un variation de deux dixièmes de volts interrompait le fonctionnement de l'un ou l'autre des multi-vibrateurs, une semaine complète sans interruption était tout un exploit et cela demandait un suivi très attentif.

 

Pour la mesure des fréquences audio, nous utilisions un pont de Wien.

 

Les récepteurs, fournis par la Canadian Marconi, étaient du genre T.R.F. ( à amplification directe) et permettaient une couverture de 100 Kc à 25 M/c ce qui, dans ces années, étaient réellement d'avant-garde. Tout cela était installé au deuxième plancher, dans la salle avant de l'ancien atelier.

 

Avec ce nouvel étalon de fréquence et les récepteurs, nous pouvions commencer à faire des mesures à distance. Cela se limitait aux stations de radio-diffusion parce que Monsieur Bain n'excellait pas en code morse international ce qui lui causait des difficultés pour identifier la provenance des signaux. On n'avait pas souvent d'émissions autres que A1 ou A2 ( ondes entretenues) quoique plusieurs navires utilisaient toujours l'éclateur d'ondes.

 

La station/atelier d'Ottawa (Radio test room) était située sur la rue Wellington. Avec les tramways du temps, le brouillage n'était pas de tout repos pour un centre d'écoute, il y avait plusieurs émetteurs autour dont celui de VAA qui servait aux communications avec les stations nordiques, celui de la Corporation Canadienne de radiodiffusion sur l'édifice Jackson, un autre de la Marine à Rockcliffe et celui de CHU pour le service de l'heure à l'Observatoire du Dominion. L'atelier a donc été déménagée dans une serre située sur les terrains de la Ferme Expérimentale aux environs de 1934. >>

Et c'est ainsi qu'après avoir été l'opérateur de la station VAA depuis ce temps, Ed Davey devint, en Octobre 1936, le premier opérateur attitré au premier Centre de contrôle des émissions au Canada.

Ed continue:

<< Les ordres étaient A mesure mesure mesure A La mesure de fréquences était l'activité principale et les installations de fréquence étalon de la Direction se sont vite démontrées plus stables que celles de l'Observatoire du Dominion qui avait la responsabilité de la transmission officielle de l'heure. C'est ainsi que le 1,000 hertz étalon généré par le Centre a été mis à contribution pour moduler le signal de CHU et © la note modulée ª servait d'étalon de fréquence nationale par radio.

 

Quand la Commission de la radiodiffusion Canadienne est devenu Radio Canada, Monsieur Bain a due argumenter très solidement avec A. G. L. McNaughton (devenu plus tard le Général ). Il a obtenu gain de cause en arguant que c'était la prérogative de la Direction de surveiller les émissions au Canada car l'administration de la Loi sur la radio était sous sa responsabilité. La Direction a ainsi pu mettre la main sur trois étalons de fréquence General Radio ainsi que plusieurs autres récepteurs et appareils que la CRC utilisait pour contrôler uniquement les fréquences de ses propres stations.

 

Andy McNaughton ayant insisté pour que les appareils demeurent là où ils étaient, bâtisses et tout le lot furent transférés à la Direction. >>

À Strathburn, la Corporation (CRBC) exploitait un Centre d'écoutes qui servait principalement à la mesure de fréquences de ses propres stations. Ces facilités devinrent le deuxième Centre de contrôle de la Direction.

<< En même temps, il y avait assez d'équipement pour l'installation d'un ou deux autres Centres sur la côte ouest et dans le centre du pays. Une partie du vieil équipement a donc été par la suite déménagé et a servi à l'établissement du Centre de contrôle de Vancouver. Après la guerre, ce Centre a été ré-équipé et le vieil étalon de fréquence installé à l'atelier de Victoria pour servir à l'étalonnage des ondes-mètres. >>

D'autres anciens appareils utilisés à la station de la Ferme expérimentale ont été récupérés pour l'installation du premier Centre dans l'Ouest, à Rivers au Manitoba.

 

<< Au début de la 2ième guerre, le gouvernement décida qu'il fallait acheter A Empire@ si du matériel similaire à nos besoins pouvait s'y trouvé. Il était donc devenu temporairement impossible de continuer les achats aux États-Unis et c'est ainsi qu'on s'est procuré un ensemble de mesure de fréquences Marconi modèle 482-C. ( voir le No. 70 de la publication A The Marconi Review@ en annexe )

 

Celui-là se composait d'un cube de cristal à 100 Kc/s retenu dans un hamac de fils de soie qui nécessitait une tension particulière. Le tremblement de terre de 6,2 centré à Témiscaming le 1er novembre 1935 a fait que le cube est sorti du hamac et cela nous a pris des jours à le remettre en place et à reprendre la tension des fils. C'était un étalon très chatouilleux qui a servi surtout à augmenter mon vocabulaire ... La mécanique d'ajustement des verniers se faisait au moyen de lanières composées d'un fil à pêche spécial qu'on ne pouvait trouver qu'au Devonshire, au Royaume-Uni. Et le secteur de l'administration voyait d'un mauvais oeil la commande de fil à pêche très coûteux dans les commandes de pièces de rechange radio.>>

 

Vers 1938, il y avait donc quatre Centres soit Ottawa, Vancouver, Strathburn et Rivers; un bon début et on en espérait d'autres. Un aide à plein temps me fut accordé en la personne de Gerry Gard, inspecteur du bureau de Saint-Jean. >>

 

La station de Rivers, à 150 milles à l'ouest de Winnipeg, était vraisemblablement installée depuis 1937 et G.A. Coutanche en était toujours le responsable en 1957. Auparavant, il y aurait eu une installation à Winnipeg, plus précisément à Stevenson's Field, là où était l'aéroport. Celle-ci prenant de l'expansion, on aurait déménagée à Rivers.

<< À la déclaration de la guerre, la politique du QG était que le service de contrôle des émissions devienne le noyau du service de l'interception en cas de guerre.

 

En décembre 1939, j'ai déménagé l'étalon Marconi 482-C à Hartlen Point en Nouvelle-Écosse, ce site ayant été spécialement choisi (en 1935) pour l'interception et la goniométrie.>>

Le site de Hartlen Point était du coté Est de l'entrée au port d'Halifax et permettait une vue complète de la mer dans toutes les directions. On y travaillait à l'interception et à la goniométrie pour relever la position des sous-marins et des navires.

 

Tout le personnel était du Ministère des Transports, des opérateurs avec une moyenne de onze ans d'expérience. Le quart de travail était composé de quatre opérateurs en rotation pendant la veille, chacun à son tour sur la position de goniométrie.

 

À la fin de 1942, un total de quatorze opérateurs y travaillait dont quatre pour la gonio et le reste qui utilisait cinq récepteurs pour l'interception des émissions des A U-boat@ allemands. ( voir Http://members.shaw.ca.finkirv5/index.htm )

Ed Davery continue

<< Monsieur Bain, prévoyant comme toujours, pensa qu'il y avait là une bonne occasion de mettre le pied dans la porte pour les années d'après guerre .>> ( On verra plus tard qu'il avait vu juste.) En 1939, le commandant DeMarbois demande qu'il y ait une augmentation des efforts d'interception et le personnel à la station d'Ottawa gonfla à 125 opérateurs et opératrices.. >>

Mais d'où arrivaient tous ces opérateurs ?

 

Willian Stevenson dans son livre intitulé A A man called Intrepid A où il relate les activités du canadien William Stephenson durant la seconde guerre mondiale < Camp X etc >, et où il est question des opérateurs oeuvrant sur les diférentes stations d'interception, on trouve :

A ... Stephenson, qui n'avait jamais oublié ses jeunes années à d'école alors qu'il échangeait en morse avec les opérateurs à bord des cargos sur les Grands lacs , considérait les sans-filistes de marine parmi les meilleurs au monde. Ils étaient habitués à l'inconfort et au travail dans des locaux exigus. Ils pouvaient s'accrochés au très faible signal d'une station mobile perdu dans une torrent d'autres signaux sur les bandes. En mer, ils devaient reconnaître rapidement le A poignet@ d'un opérateur recherché en particulier, en détectant les différences subtiles de sa façon de manipuler sa clef pour transmettre le code ce qui l'identifiait positivement sur les ondes.. A (Traduction libre de A A man called Intrepid@ de l'auteur William Stevenson)

Voilà d'où sont venu à la surveillance et ensuite à la gestion du spectre, un grand nombre sinon la majorité des opérateurs et inspecteurs pendant de nombreuses années.

 

Toujours à la Maison de ferme, il y avait des récepteurs HRO partout, dans le salon, la salle à manger, dans les corridors et les chambres et des opérateurs partout .. On déménagea à la nouvelle station sur la route Merivale en 1942 (Del Hansen)

 

Et Ed Davey de continuer ..

<< Vers les années 1942 je crois, lorsque Tobrouk est tombé, j'ai eu à paraître comme témoin expert avec Monsieur Bain lors d'un procès alors que la Gooderham Worts (un distilleur) qui avait loué ses facilités de Toronto (CFRB et VE9GW) à Radio Canada avec la condition qu'elles lui soient retournées dans une condition A respectant les progrès de la technique@ réclamait $50,000 pour bris de contrat. Des mesures des fréquences étaient faites régulièrement et nos records de mesures montraient que presque au moment de la remise des facilités, les fréquences d'émission en cause étaient passées de " 1.5 Kc à " quelques cycles des fréquences autorisées. La Défense utilisa cet argument et le juge trancha pour une remise beaucoup moins importante.>>

Ensuite, un réseau de centres de contrôle ( domestique ) fut graduellement mis en place à travers le pays.

 

La station de Pointe Grey (Vancouver) a été mise en service en 1950, dans une salle arrière de la station côtière. Un technicien d'Ottawa, y installa un système de mesures de fréquences General Radio ainsi qu'un récepteur RCA AR88LF. Au début, on ne surveillait que les fréquences inférieures à 30 Mhz pour ajouter le VHF plus tard. Vern Reid en était l'opérateur de surveillance et le service n'était fourni que les jours de semaine sauf lorsqu'il y avait des assignations de travail particulières. Cette station fut déménagée à Ladner en 1957 sur un terrain loué de la COTC, Reid toujours responsable avec quatre opérateurs.

 

La station de Beaumont a été installée en 1954. La bâtisse était du genre normalisée pour ces facilités en ce temps là. À cet égard, Ed Davey raconta que, lorsqu'il était à la recherche d'un site approprié, quel que soit la grandeur du site visité entre Lévis et Montmagny, le prix demandé était toujours $3,500 soit le montant correspondant exactement aux fonds alloués pour l'achat du terrain...

Art Bambrick, Jean Paul Gagnon et Yvon Asselin en furent tour à tour responsable.

 

Cette station fut déménagée à St-Lambert de Lévis en 1965 lorsque Hydro-Québec installa des lignes de transport d'énergie à 735 kilo-volts en travers du Fleuve et à proximité du site. J. C. Mondou OIC.

 

Un des plaisirs des opérateurs à Beaumont était d'examiner le sommaire mensuel des rapports d'irrégularité transmis au bureau régional pour suite à donner.

 

Ces rapports étaient dactylographiés par le responsable du Centre, dans ce temps-là, le terme était A officer-in-charge A ou O.I.C.. Chacun pouvait y reconnaître et totaliser le nombre d'irrégularités que lui-même avait relevés et, il faut le dire, cela nous encourageait si en tête du peloton ou à faire mieux que les autres le mois suivant ..

 

Les instructions étaient de tout vérifier ce qui pouvait l'être sur toutes les bandes: de faire les mesures appropriées des fréquences et de niveau d'harmonique (multiple de la fréquence fondamentale) le cas échéant, de s'assurer que les bonnes procédures étaient utilisées ( identification, contenu des messages etc) et que les stations étaient bel et bien autorisées tel que répertorié dans les Listes de fréquences que nous avions.

 

Il fallait nécessairement consigner tout ça dans le journal-radio, heures, identification, fréquences et contenu mots-à-mots des émissions au besoin.

Quelques assignations de travail ont été plus qu'intéressantes.

 

Par exemple, lorsque la Russie a lancé les premiers satellite Spoutnik en octobre et novembre 1957, la radio-balise du satellite émettait un peu en haut d'une bande de fréquence-étalon soit sur 20,005 kilohertz. Il fallait détecter son signal le plus tôt possible à sa réception et obtenir le plus grand nombre de mesure de fréquences pendant son passage sur l'horizon.

 

Jean-Charles A Charlie@ Mondou était expert dans ce domaine. Il fallait être très rapide pour prendre le plus grand nombre de mesures possible pendant le passage du satellite. Le décalage ou la différence de fréquence entre les différentes mesures, causée par l'effet dit A de Doppler@ ( la même qui fait que le sifflement du train semble augmenter en fréquence lorsque le train vient vers nous et ensuite diminuer lorsque le train s'éloigne ) permet d'obtenir la vitesse du mobile, sa masse ainsi que son orbite.

 

Ces mesures étaient ensuite transmises à Ottawa qui coordonnait les mesures de toutes les stations . Cette fréquence a longtemps été utilisée par la Russie même jusqu'aux vols habités Vostok 5 et 6 alors que la voix des astronautes y a été entendue selon certains rapports.

 

Les centres de contrôle participaient aussi à divers programmes de surveillance commandés par l'Union Internationale des Télécommunications (UIT). Un de ceux-là était justement de vérifier l'utilisation des bandes réservées à la transmission de fréquences étalons: 2.5, 5, 10, 15 et 20 Mhz, lesquelles en Amérique étaient utilisées dans le temps par la station de Beltsville au Maryland (indicatif d'appel WWV) . On n'a jamais su pourquoi mais on y entendait, surtout sur le 20 Mhz, des stations en langue espagnole et aussi, pendant un certain temps, une station de l'Éthiopie qui y transmettait en radio-télétype. ( Voir l'histoire de WWV au site http://www.boulder.nist.gov/timefreq/stations/wwvhistory.htm )

 

Un autre campagne de l'UIT consistait à vérifier si les pays respectaient l'Horaire de radiodiffusion en ondes décamétriques . Cet horaire changeait quatre fois par année, selon les saisons et le détail nous en était fourni sur un volumineux rapport de l'Union. Ce rapport indiquait les stations, les fréquences d'émission ainsi que les heures et les zones vers où les émissions étaient destinées. Il s'agissait de vérifier si effectivement les stations étaient entendues, sur quelle fréquences, et de donner le rapport du signal reçu en utilisant le code SINPO.

 

 (S- Force du signal, I- brouillage, N- bruits et parasites, P- propagation et O- note globale)

 

Comme les stations ne s'identifiaient qu'au début et à la fin du programme, et que ce n'était pas toujours en langue française ou anglaise, il fallait pouvoir les identifiées correctement. Chaque pays ayant son propre signal d'intervalle, par exemple, pour le Canada, quelques notes de l'hymne A O Canada A , il fallait mémoriser ces A signaux@ pour accélérer le travail car on voulait couvrir la plus grande partie possible de la cédule. (Voir des exemples sur le site http://www.intervalsignals.net/ )

 

Usuellement, le signal d'intervalle était émis quelques 5 ou 10 minutes avant le programme prévu ce qui faisait qu'on avait à peu près 15 minutes à chaque heure ou demi-heure pour faire le tour des bandes de radiodiffusion. Plusieurs stations pouvaient être entendues sur la même fréquence et il fallait les identifiées de sorte que les administrations des divers pays puissent prendre les mesures appropriées pour corriger la situation.

 

Un certain nombre de pays participaient à ces campagnes ce qui permettait de vérifier le degré de conformité à la cédule, si les signaux transmis vers le Canada et l'Amérique du Nord y étaient bien captés et comment était la réception.. Au début, toutes les stations qui étaient entendues faisait l'objet d'un rapport, identifiées ou non. Un peu plus tard, on ne se concentrait plus que sur les stations émettant vers l'Amérique ce qui diminuait considérablement le travail.

En Abitibi, un important exploitant de services aériens avait acheté un plein hangar d'appareils radio en surplus des Forces armées et en fournissait un à chacun de ses clients arpenteurs, explorateur miniers ou pêcheurs, question de faciliter la logistique du mouvement des avions, commande d'épicerie etc. Il a fallu plusieurs heures d'écoute et passablement de rapports avant que les inspecteurs obtiennent la normalisation de cette situation.

 

Un autre réseau mettait en cause des stations exploitées par un ministère provincial sans que des licences aient été émises, peut-être due au fait que dans ce temps-là, les ministères ne payaient pas de droit de licence, il était donc facile pour certains de poursuivre cette logique et de se dire A pas de droits donc pas besoin de licence@ .

 

La petite histoire veut qu'un organisme connu sous le nom de La Patente soit intervenu dans ce dossier et que l'OIC Bambrick se soit vu offrir un poste à l'extérieur du Québec qu'il a due accepté .... Des licences ont été éventuellement obtenues pour ce réseau !

 

Chez les expérimentateurs de la technique radio, on trouva un jour un de ces réseaux qui comprenait plus d'une vingtaine de stations opérant entre 2 et 3.5 Mhz. On venait en ondes surtout le midi pour échanger, se raconter des histoires et faire des essais de propagation et d'ajustement. La première fois que ce réseau a été entendu et qu'on ait amassé tout ce que nous pouvions comme informations en ondes, le dossier a été transmis au bureau des inspecteurs à Québec.

 

Quelques jours plus tard, toutes les émissions avaient cessé sans que nous sachions exactement ce qui en était, où, qui, arrestations, saisie ou quoi ? Peut-être en avaient-ils eu vents ?

 

Plusieurs semaines passèrent et, tout à coup, voilà que le réseau reprend ses activités. À la station, nous avions certains doutes sur la A capacité des inspecteurs@ à trouver ces stations, par manque d'équipement, de temps ou de ressources, et on s'est dit que nous pouvions bien le faire nous- même.

Nous décidons de modifier un vieux récepteur NC100 pour pouvoir l'utilisé dans un véhicule, les filaments reliés à la batterie de l'auto et un dynamo-moteur en surplus de l'Armée pour le B+, un fouet et une antenne-cadre repris d'un vieux récepteur de radiodiffusion.

 

Et nous voilà partis à Québec à chaque midi, avec l'OIC Jean Paul Gagnon, question de trouver l'emplacement de chacune des stations. Utilisant d'abord le fouet, au besoin, en désactivant le contrôle automatique de volume et en manipulant le contrôle HF pour s'approcher le plus possible, lorsque le signal devenait relativement puissant, on branchait l'antenne cadre et prenions un relèvement grossier en manipulant toujours gain et contrôle automatique du volume (AVC) selon le cas pour terminer avec la patrouille à pied et le repérage des antennes.

 

Pendant cette période d'activités sur le réseau, une participation incognito à quelques réunions du club amateur local ont permis de déduire que certains clandestins y obtenaient des informations utiles, voulaient devenir radio-amateur et mettaient leurs connaissances en pratique avant d'obtenir les autorisations.

 

Après l'identification et la localisation positive de toutes les stations, on en a fourni le détail aux inspecteurs. Une razzia a été organisée avec la GRC. Des inspecteurs et du personnel de plusieurs bureaux de district du Ministère incluant les opérateurs de Beaumont y ont participé, avec pinces et tournevis, question de ne pas être mal pris sur les lieux.. . À l'heure dite, avec les mandats appropriés, chaque station fut démantelée et tout le fourbi apporté à remplir une cellule de la prison de Québec.

 

Les clandestins utilisaient en général des appareils A Mk 19" achetés sur le marché de surplus militaire. Quelques-uns ont été très surpris de se voir localisés; quant aux inspecteurs, certains ont sursauté dans le feu de l'action en coupant des fils déjà alimentés par un haut -voltage.

 

Et il a fallu transcrire et dactylographier tous les échanges de communication qui avaient été enregistrés pendant l'enquête ce qui était nécessaire pour le procès. Une amende mineure et la confiscation des appareils ont suivies et il est permis de croire que tous ces clandestins sont effectivement devenus de bons radio -amateur et, quelques-uns, des techniciens hors -pair !

 

La même installation a aussi servi à localiser un autre réseau de deux stations opérant dans la bande des 5 Mhz en Beauce. À cause des distances, cela s'est avéré un peu plus difficile, il a fallu plus que la technique pour le faire !

 

 

Avec les antennes, nous avions pu circonscrire un territoire d'une des stations qui était en zone agricole. Les résidences y étaient éloignées du chemin et ce n'était pas trop commode de pénétrer sur la propriété des gens sans raison. En patrouille, au bord d'un chemin, on voit un écriteau Tomates à vendre.

 

Pourquoi ne pas s'acheter quelques tomates ?

 

En approchant, on remarque un fil d'alimentation d'antenne entre la maison et la grange; en pénétrant dans la serre pour acheter des tomates, voilà un récepteur en pièces sur une tablette. On demande alors au maraîcher A est-ce que vous bricolez les radios ? A A non A qu'il nous répond A mais mon petit gars lui, il parle avec son copain de Saint Chrysostome@

 

Nous avions donc notre confirmation et les inspecteurs passèrent à l'action. Notre gars avait monté sa station sur une grande table rectangulaire, percer des trous partout pour passer les fils reliant les diverses composantes et visser transformateur et autres pièces directement sur la table. Personne dans le village n'avait pu lui fournir un bâti métallique pour construire son émetteur.

 

Ce genre d'activités nous permettaient de voir le fruit de notre travail ce qui était très valorisant.

 

 

Quelques années plus tard, quelqu'un à réussi à obtenir un gonio portatif, familièrement connu sous l'appellation A Dick Tracy@ et fabriqué en Allemagne. Le système était complet, portable à la ceinture, avec un indicateur de force de signal ( S-mètre) à la façon d'une montre-bracelet, écouteurs et antenne-cadre que l'on pouvait dissimuler à l'intérieur de son paletot. Aujourd'hui, tous les systèmes gonio sont automatiques.

 

La surveillance de la fréquence maritime de détresse et d'appel en radiotélégraphie 500 kilohertz était également intéressante en ce que nous pouvions à l'occasion y entendre des appels de détresse en plus d'y repérer des irrégularités. Pour le profane, de par le règlement, les usagers étaient tenus de respecter des périodes de silence sur cette fréquence justement pour qu'elle soit libre dans le cas où quelqu'un voudrait transmettre un appel de détresse - période de H + 15 à 18 minutes et H + 45 à 48 minutes - il arrivait que des opérateurs ne vérifiaient pas leur horloge avant de transmettre et on ne manquait pas d'en faire rapport.

 

Plusieurs appels de détresse ont été entendus provenant de navires dans l'océan Atlantique. Une transmission en particulier ... A CQ de .... heavy explosion in boiler room AS A

 

( AS transmis .-... voulant dire Wait attendez ) suivi peu de temps après de l'appel de détresse A SOS@ et des autres informations - le navire se trouvait au large du Brésil.

 

D'autres projets spéciaux ajoutaient du piquant dans la routine habituelle comme par exemple lorsque les américains devaient faire des essais atomiques à l'île Johnston dans le Pacifique. Nous écoutions cette station A April showers A qui diffusait des messages d'informations et nous étions prêts à vérifier les perturbations sur la propagation des signaux au moment de l'explosion.

 

Malheureusement, les essais ont eut lieu alors que le Centre était inopérant pour causes de verglas si je me souviens bien, toutes les antennes étant brisées ce qui arrivait de façon annuelle à Beaumont.

 

L'inaction apparente suite aux rapports d'irrégularité était une cause de frustration. De voir se répéter les mêmes irrégularités techniques à tous les mois, on en a conclu que c'était le fait de la lourdeur administrative.

 

On a donc décidé de ne rapporter les mêmes irrégularités qu'aux deux ou trois mois ce qui ne changea pas grand chose pour plusieurs. Il a fallu se rendre à l'évidence que la technique de certains émetteurs ne permettait tout simplement pas aux techniciens chargés de l'entretien de garder les appareils en-dedans des tolérances et des normes du temps.

 

Avec l'évolution, de nouvelles normes ont été publiées par le Ministère, les appareils en surplus des Forces armées et les appareils aéronautiques comme le Lear ci-contre, adaptés aux besoins de la portabilité en forêt, les usagers ont modifié leurs installations et en ont cessé l'utilisation.

 

Aujourd'hui, rare sont les stations exploitées en-dehors des normes techniques de tolérance de fréquence ou émettant des rayonnements parasites.

 

Dans les années soixante, avec l'arrivée des récepteurs RACAL, la pratique de mesure de fréquence par battements a été remplacée par des mesures directes, beaucoup plus commodes et rapides. (Schéma en annexe) Tous les récepteurs de trafic HF devinrent pilotés par l'étalon de fréquence ce qui en améliorait encore la stabilité.

 

Lorsque Hydro-Québec réalisa le A barrage Daniel Johnson@ sur la rivière Manicouagan, une des lignes de transport d'énergie à 735,000 volts traversa le fleuve exactement près du site de la station de Beaumont. Une entente fut négociée et la station fut déménagée à St Lambert de Lévis.

 

Les analyseurs de spectre Polarad et Singer-Metrics ne tardèrent pas.

 

Pour surveiller les fréquences VHF, les récepteurs Eddystone de Beaumont ont été remplacés par du Vitro Electronics (ancêtre du Nems-Clark), les mêmes qui étaient utilisés un peu plus tôt par l'Agence spatiale américaine. C'était une amélioration marquée.

 

Coté antenne VHF, Rhodes & Schwartz avait fourni un nouvel ensemble. Installé à 100 mètres de hauteur, accordable de 30 à 300 Mhz, orientable et polarisable verticalement et horizontalement. C'était un système fragile, souvent en panne. Trois gros moteurs formaient le gros de la chose. Le dipole était un ruban de cuivre de 2 cm de largeur qui s'allongeait au besoin dans un tube d'acrylique et était entraîné par une chaîne de bicyclette. Le réflecteur était mis en mouvement par une vis sans fin, le tout sur un socle orientable. La mesure de fréquences se faisait par hétérodyne du signal reçu.

 

Ailleurs aux Canada

 

Wetaskiwin en Alberta a été installé en 1949 et Lloyd G. Cope en a été le responsable jusqu'en 1955 alors qu'il a été remplacé par Ed Leaver..

Lloyd s'en fut installé une nouvelle station à Melville en Saskatchewan en 1958 et C.W. Colpitts accepta le poste de responsable.

En 1956, Ed Davey, qui n'appréciait plus travailler au bureau principal, devint le responsable du centre d'Almonte. L'y ont suivi: Albert Berry, Ron Powers, Ross Ritchie et Peter Dalton.

 

La station de Vancouver (Pointe Grey) était , en 1957 sous la responsabilité de V.J. Reid; elle a été éventuellement déménagée à Ladner.

Cette même année, le Laboratoire d'homologation du Ministère vit la nécessité de se munir d'un véhicule pour effectuer des mesures de contrôle. Une remorque fut équipé d'un système de mesures de fréquence Schomandl.

 

Malheureusement, il ne fut pas permis d'acheter un camion-tracteur suffisamment puissant pour le poids de la remorque si bien que Lou Colpitts et Ed Leaver se sont souvent vu décerner des contraventions parce qu'ils circulaient trop lentement sur les autoroutes de l'Ontario.

 

En 1961, C.R. Spracklin, était toujours responsable de la station d'Hartlen Point. On n'y obtenait pas une bonne couverture des stations situées dans le Golfe St-Laurent, le site d'Hartlen Point ayant été choisi principalement pour la goniométrie. La station fut donc déménagée à Montague sur l'île du Prince-Édouard sous la responsabilité de Robert Ferguson..

 

La station de Port Arthur (Lakehead) en Ontario a été installée en 1957. Celle d'Acton a été mise en opération en remplacement de celle de Strathburn où la réception devenait de plus en plus sujet au brouillage.

 

Une nouvelle station fut également installée à Fort Smith dans les Territoires du Nord-Ouest par Lou Colpitts et Jim Dunston..

 

Dans les années 70, le budget aidant et, surtout, en provenance de nos voisins américains qui avaient besoin d'allonger une ligne de base gonio, quelques installations de radio-goniométrie furent mises en place au pays.

 

Ron Powers raconte ...

<< Bill Wardlaw du laboratoire de la règlementation de l'Avenu Clyde vint installer un radio-goniomètre de type Wullenweber à @ grande angle @ au centre d'Almonte en Ontario.

 

Le système d'antennes était composé de 60 fouets verticaux d'une hauteur de 11 pieds montés en cercle sur un rayon de 450 pieds (A cage à dindes/turkey farm@ était le nom donné à ce genre d'installation). Le système était optimisé à 10 Mhz mais il était utile de 500 kHz à 30 Mhz. Ces fouets étaient reliés à un commutateur électronique qui permettait d'apparier, de façon automatique ou manuelle, le signal reçu de chacun d'eux. Un tracé en huit sur un oscilloscope permettait de relever l'azimut de la provenance du signal.

 

Ce système était très facile d'utilisation et nous pouvions obtenir un relèvement en quelques secondes lorsque la réception était bonne. Dans les opérations de tous les jours, nous l'utilisions couramment pour favoriser la réception d'un signal désiré. Lorsque le centre d'Almonte a été fermé, ce gonio a malheureusement été vendu en surplus d'actif. C'était le seul du genre au Canada. Les autres systèmes de radio goniométrie ailleurs au pays étaient anciens, de type à quadrature et avaient été défalqués par les Forces armées. L'étalonnage en était difficile et ces appareils nécessitaient passablement d'entretien. >>

De retour à la région du Québec

 

En 1963, le Quartier général fit une étude de la couverture radio des Centres de contrôle. Il en résulta principalement que, pour obtenir une meilleure couverture HF, on décida de l'installation de stations nordiques. Gilles Migneault et J. C. Mondou trouvèrent un site approprié et Laval Desbiens installa le Centre de contrôle de Senneterre en Abitibi en 1969, Jacques Pageau O/C.

 

L'utilisation toujours grandissante de fréquences plus élevées révéla le besoin de facilités particulières pour suppléer d'une part, au manque de personnel autrement requis sur la route, aider à la solution rapide de brouillage inter-systèmes et obtenir plus de données sur l'utilisation réelle du spectre en très hautes fréquences. On récupéra certains équipements du Laboratoire du Ministère à Ottawa et le premier centre d'observation au Québec vit le jour à Montréal.

 

Quelques année plus tard, le COS de Montréal n'était plus suffisant. La surveillance d'une activité radio de plus en plus intense dans les bandes VHF et UHF, l> assistance aux inspecteurs sur la route et le besoin d'un Centre régional de formation obligea à des efforts additionnels.

 

On trouva un site de réception abandonné par la Défense Nationale, à quelques 50 kilomètres de Montréal. Cette installation était autrefois jumelée avec un site de transmission à St-Jacques , le tout servant pour des communications outre-atlantique.

 

Le Ministère des Communications en obtint le transfert de propriété.

 

Une bâtisse solide, dotée de toutes les facilités, groupe d'urgence, entrée électrique enfouie, zone agricole, terrain de plusieurs acres sur lequel il y avait déjà des antennes de type rhombique, doubles, orientées vers le nord et l'est et installées pour permettre la réception en diversité.

De plus, un pylône de 80 mètres pour installer des antennes permettant la couverture de la radio mobile VHF et plus dans la périphérie, un site idéal.

 

Après que la bâtisse eut été remise en état, je devint responsable de l'installation et chargé de l=opération du Centre de contrôle et d'observation du spectre ( nouveau dans le jargon technique ) à St-Rémi de Napierville, opérationnel en 1971. (Autres photos en annexe)

 

On y profita, entre -autres, des surplus d'actifs du Laboratoire du Ministère (Avenue Clyde ) pour y installer une cage de Faraday et s'approprier certains autres équipements autrement impossible à obtenir faute de budget.

 

Fernando Gutierrez en devint le nouveau responsable en 1975. À d'illustres visiteurs du Centre qui demandaient un jour, qu'elle était la raison d'être de ces installations, Fernando répondit judicieusement A .. nous somme comme une lumière de circulation, au vert tout est ok , mais quand c'est jaune ou pire, rouge, alors on en avise les responsables .. A

 

Le Centre servit également pour la formation des inspecteurs et techniciens et pour le montage de vidéo de formation.

 

Dans les années 80-90, on procéda à la mise en place de Centres d'observation du spectre (COS) dans les différents bureaux de district.

 

Vers 1995, l'informatisation pointera à l'horizon et on informatisa certains bureaux avec l'ajout d'appareillage fabriqué dans la Région Atlantique -

 

Les années 2000 virent les Systèmes de surveillance radio informatisée (SSRI) et les Electronic surveillance (ES) lesquels ne font pas encore partie de l'histoire !

 

commentaires, autres textes et photos seront les bienvenus !